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« SMAÏL KANOUTÉ » | LE PIERROT LUNAIRE DE LA DANSE
Depuis quelques années, Smaïl KANOUTÉ se livre à corps perdu à la danse urbaine. Il s'adonne de même à un art prolixe compte tenu de sa formation à l'ENSAD.
S'il se détache de sa pratique une réelle curiosité vers d'autres disciplines artistiques et un désir constant de renouvellement, la danse semble toutefois représenter le socle à partir duquel il pourra se propulser.
Tout récemment mise au point en compagnie de son complice plasticien Philippe BAUDELOCQUE, une performance « PROJECTION(S) » a vu le jour au CENTQUATRE les 5 et 6 avril 2017 dans le cadre du Festival Séquence Danse. Elle fait suite à une précédente performance sur les mêmes bases présentée en novembre 2016 au Théâtre de la Loge.
Cette création est résumée ainsi par les auteurs :
« Un corps humain naît, se met en mouvement puis danse. Il découvre en même temps que le spectateur l'univers dans lequel il évolue : étoiles ou cellules ? Appuyé par un dispositif scénique qui brouille les perceptions de temps et d'espace, cette performance propose une lecture d'un monde unifié. »
Il se dégage tout au long du spectacle une atmosphère étrange, pure, hautement poétique qui remonte à l'origine de la lumière - celle-là même qui fut capturée par le cinématographe au temps de l'invention du cinéma muet avec son arsenal du merveilleux et ses tours de passe techniques.
Ici, la rigueur des plans [sol et murs] où sont projetées les compositions graphiques, quasi mathématiques, du plasticien répondent en un sens tout autre - parce que fragile et humain, au déploiement presque imperceptible dans l'espace des gestes du danseur ; là où encore la lumière sertie de fils blancs caresse un corps sombre quasi invisible, rendu à sa liberté naissante d'agir ou pas.
Il y a comme une hésitation sur un événement à naître. Et nous nous situons là sur le registre du possible pour le danseur comme pour le spectateur.
Tout l'art du danseur tient essentiellement à ce fait que, sobrement doué et charpenté plutôt filiforme, il a su extraire de la partie haute de son corps [essentiellement buste et bras] une technique d'oscillations de gestes et de déhanchements qui impose à la colonne vertébrale une torsion permanente avec une vitesse plus ou moins soutenue et un basculement à en perdre l'équilibre.
La description de cet ensemble de gestes - même si elle se retrouve en la circonstance de « PROJECTION(S) » comprimée ou fortement ralentie pour les besoins du propos de la scénographie, constitue toute l'originalité du travail de Smaïl KANOUTÉ.
Nous saluerons en cela une création vraiment inouïe.
Jean-Pierre Hamon
PRÉFACE
A la performance « PROJECTION(S) », nous avions saisi de la pratique originale de Smaïl KANOUTÉ une réelle curiosité vers d'autres disciplines artistiques avec un désir constant de renouvellement mais que la danse représenterait le socle à partir duquel il allait se propulser (*).
Non seulement le danseur-chorégraphe d'un esprit allègre revient à nouveau sur la scène en obéissant à sa logique créative, mais il en élargit le champ constructif et perceptif par une création de grande ampleur.
Avec les « ACTES DU DÉSERT 180° », en plus de sa fidélité à son remarquable musicien koriste, il s'est octroyé la compétence d'un metteur en scène et - fait nouveau - le savoir-faire d'un laboratoire scientifique. Il ambitionne ainsi de faire de la scène un lent processus d'une « énergétisation » cosmique où le temps serait saisi comme un « fantôme de l'espace » (**), où le nœud de l'espace-temps lui-même, par une série de gestes dans une incantation délibérée, revisiterait l'histoire unique/multiple de ses ancêtres maliens - lignée d'une grande famille dont l'artiste serait le dépositaire et le méticuleux scrutateur graphique.
Ici, une « voix » dans son incandescence polyphonique [comme toutes celles qui ont décrypté l'univers], est invitée à quelques moments de la scène au centre d'un cercle parmi d'autres où circulerait sans fin l'esprit du monde ; ici encore, c'est au tour de la terre, et du sable, poussière de soleil qui se répand comme de l'or à venir ; là, signes épars d'une écriture blanche, étoffes caressées par la chair d'un homme toute pétrie du travail de la mémoire ; là, eurêka, faisceaux ou lucioles en nombre choisi d'une lumière galactique et soigneusement équilibrés sur le sol comme par magie ; là, ô sublime, « image » d'un monde en symétrie par rapport à un axe courbe.
Un voyage étrange sans la moindre idée de retour s'ouvre et infléchit le cours de notre existence, sortilège qui s'apparente au maniement de la baguette de sourcier affublé d'un chapeau Peul.
Beauté fragilité parce que présence humaine. Vivons !
Jean-Pierre Hamon
(*) Cf. Notre article : « Smaïl Kanouté, le Pierrot lunaire de la danse ».
(**) Cf. Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, Éditions Félix Alcan (1889).
LES AUTEURS 2017 - 2018
SMAÏL KANOUTÉ
Un artiste pluridisciplinaire